Maurizio Cattelan
Padoue, 1960
Sans titre
1997
Autruche mâle naturalisée
130 x 60 x 160 cm
Dépôt du CNAP-FNAC, 1999
Inv. D.999.2.1.S
« Mon travail peut être divisé en deux catégories : l’une parle de l’impossibilité de faire quelque chose, de la peur de l’échec que je transforme en œuvre d’art. Une deuxième catégorie de travaux concerne l’absence, la perte, la mort. »
Cette déclaration peut surprendre ceux qui ne voient dans les propositions de Maurizio Cattelan que de simples provocations. Artiste autodidacte, il s’inscrit dans une tradition qui, de Manzoni à Broodthaers, distille le doute quant à la nature de l’acte artistique et introduit la subversion au sein de l’institution. Il ne se fait aucune illusion sur la capacité de l’art à transformer le monde : « « Je ne me considère pas comme un artiste. Je fais de l’art c’est un job. » Pourtant, son activité le conduit souvent à mettre en contact le monde de la vie quotidienne ou de sa vie personnelle avec celui du système artistique, provoquant des situations insolites qui mettent à jour les limites du contexte dans lequel il travaille. Invité à participer à une exposition internationale, pour laquelle il n’avait pas de projet, il allait la nuit cambrioler tout le contenu d’une galerie locale et le présentait dans le musée comme son propre travail. Le concept de « ready-made » de Marcel Duchamp, utilisé à l’excès par les artistes d’aujourd’hui, se transformait en un simple « larcin ».
Pour sa première exposition dans une galerie new-yorkaise, afin d’exprimer son sentiment d’impuissance et d’inaptitude face à la métropole de l’art international (le marché y exerce une contrainte très forte sur la production des artistes et sur la valeur artistique), il installait un âne vivant, éclairé par un somptueux lustre de cristal. L’impasse psychologique et artistique dans laquelle il se trouvait devenait ainsi le moteur du travail. Depuis 1995, Cattelan a réalisé un certain nombre de pièces à partir d’animaux naturalisés. Celle-ci est la réalisation en trois dimensions de l’expression « faire l’autruche ». Il s’agit donc d’une image qui évoque l’attitude bien connue de déni d’une réalité que l’on ne veut pas affronter. Cette image invite le spectateur à interroger, sur un mode humoristique, sa propre difficulté à regarder ce qui l’entoure, notamment l’art. Mais la présence de cet animal naturalisé placé en regard des oeuvres d’une collection semble tout autant interpeller les fondements de la pratique muséale, c’est-à-dire la conservation, et en indiquer les limites pour ce qui concerne « l’art vivant ».
Arielle Pélenc
Extrait du Guide des collections du Musée d'arts de Nantes
Crédit photographique : © Alain Guillard / Musée d'arts de Nantes
© Courtesy Maurizio Cattelan et Galerie Perrotin, Paris