Eugène Delacroix
Charenton Saint-Maurice, 1798 – Paris, 1863
Le Kaïd, chef marocain
1837
Huile sur toile
98 x 126 cm
Achat au Salon de Nantes, 1839
Inv. 892
Élève de Pierre Narcisse Guérin, Delacroix fréquenta surtout le Louvre où il copia les grands maîtres. Dès ses débuts au Salon en 1822, Delacroix fut remarqué par la critique, et l’État acheta La Barque de Dante, puis, en 1824, Les Massacres de Scio, inspirés de la guerre d’indépendance des Grecs contre les Turcs. L’artiste apparut comme le chef de file du romantisme.
La Mort de Sardanapale surprit au Salon de 1827 par son sujet tiré de l’Orient ancien. Delacroix n’effectua un voyage en Afrique du Nord qu’en 1832, accompagnant le comte de Mornay dans une mission diplomatique au Maroc. Ce séjour le marqua profondément et, toute sa vie, il s’inspira de son Journal et des aquarelles très libres exécutées sur place pour peindre l’Orient qui l’avait ébloui.
De retour à Paris, il reçut de nombreuses commandes décoratives pour le Palais-Bourbon, le Louvre, l’église Saint-Sulpice, dans lesquelles il aborda l’allégorie, le mythe, l’histoire avec des compositions vibrantes et colorées. Il exposa régulièrement au Salon.
Le sujet de Kaïd, chef marocain, présenté au Salon de 1838, est inspiré par une scène dont le peintre a été le témoin le 9 avril 1832, entre Meknès et Tanger, ainsi qu’il l’a consigné dans son Journal : « Genêts odorants, montagnes bleues dans le fond […]. Le lait offert par les femmes. Un bâton avec un mouchoir blanc. D’abord le lait aux porte-drapeaux qui ont trempé le bout du doigt. Ensuite au Kaïd et aux soldats… » Toute la composition met à l’honneur la haute figure du Kaïd qui domine la scène, sa troupe étant en contrebas. Les violents contrastes entre le blanc des burnous et les drapeaux colorés se retrouvent subtilement dans le harnachement du cheval ou la ceinture du Kaïd. La vive lumière du Maroc renforça d’ailleurs la conviction de Delacroix sur l’usage d’un système de couleurs complémentaires.
Cette scène, qui symbolise toute l’autorité du chef, traduit aussi l’enthousiasme de l’artiste à découvrir au Maroc l’Antiquité vivante. Il écrivit ainsi dans une lettre : « Imagine, mon ami, ce que c’est que voir couchés au soleil, se promenant dans les rues, raccompagnant les savates, des personnages consulaires, des Catons, des Brutus auxquels il ne manque même pas l’air dédaigneux que devaient avoir les maîtres du monde […] L’antique n’a rien de plus beau. »
Claude Allemand-Cosneau
Extrait du Guide des collections du Musée d'arts de Nantes
Domaine public - Crédit photographique : © Gérard Blot / RMN - Grand Palais des Champs Elysées