Fabrice Hyber

En 1986, à Nantes, Fabrice Hyber réalise sa première exposition personnelle intitulée « Mutation ». Un petit catalogue à la couverture verte accompagne l’exposition dont les formes présagent l’œuvre à venir : une étonnante mobilité entre les genres, des hybridations joyeuses, une mixité des moyens, la production d’objets tel ce petit catalogue, pièce autonome, qui offre des pages blanches au lecteur. Depuis, par contagion, l’œuvre se propage par glissement, transformation, mutation, intégrant tous les appétits de l’artiste. Reprenant à son compte la phrase de l’écrivain Pierre Giquel : « On vous a donné un corps, diffusez-le », Hyber essaie de faciliter cette diffusion, au plus grand nombre, dans tous les milieux. Pour cela, l’artiste devient entrepreneur, il crée en 1993 la SARL Unlimited Responsability (UR), et invente les POF, « Prototypes d’objets en fonctionnement ». Il ne s’agit pas de produits finis ; le regardeur est amené à tester, à s’interroger. L’artiste offre du sur mesure alors même que la diffusion est massive. Il fait se rejoindre deux modes de production antagonistes : la fabrication artisanale de l’œuvre d’art, unique par essence, et la mécanisation, qui autorise la série, le grand nombre.

POF no 1 (Tapis de douche) reprend la matière capsulée de l’objet d’origine mais Hyber opère des glissements dans la fabrication ; il a moulé l’élastomère dans des alvéoles d’abeilles et agrandi la surface du tapis à une superficie équivalente à celle de la peau d’un homme moyen. Le visiteur est invité à s’y allonger, à « être là ». En 1997, à Leipzig, Testoo (forme de présentation des POF) propose dans un parcours labyrinthique 100 prototypes dans 100 cabines de test. La société UR trace une voie économique indépendante du marché de l’art et intègre dans son programme les productions d’autres artistes. Hyber métamorphose notre rapport au monde en créant avec humour de multiples prothèses bienveillantes. Toutes ces inventions ont vu le jour sous la forme de dessins. Leur accumulation forme un flot continu qui traverse sans complexes des champs a priori éloignés de l’art, comme l’écologie ou l’économie, en tentant de les entraîner dans des devenirs respectivement moins nostalgiques et moins austères.

Arielle Pélenc
Extrait du Guide des collections du Musée d'arts de Nantes

Crédit photographique : © Musée d'arts de Nantes - C. Clos
© Adagp, Paris