« C’est pas une fois qu’on a tiré la chasse d’eau et pris sa douche que ça y est, c’est terminé ! Il y a des gens qui bossent en dessous pour que ça ne remonte pas et que le réseau reste propre. » Ces gens, ce sont les égoutiers. Yohan, Jérôme, Bruno, Franck, Kévin, Mohamed, Benjamin et leurs collègues. Vingt égoutiers qui descendent chaque matin à 5h45 dans les 120 km de réseaux visitables de Nantes.
« C’est comme une famille, racontent-ils, quoi qu’il se passe, nous sommes là les uns pour les autres. Quand on est en bas, on est en bas, unis comme un puzzle. » Une valeur clé à laquelle personne ne déroge parmi les égoutiers. Car ici plus qu’ailleurs le travail en équipe est une règle de vie, une règle de survie même. Du premier café à 5h du matin au repas partagé à 13h, les égoutiers communiquent, s’écoutent, se relaient, se protègent.
C’est leur façon d’exercer un métier qui se vit plus qu’il ne s’explique ; un métier qui puise sa motivation dans une mentalité de service public. « Aspirer la merde n’a pourtant rien de valorisant, raconte Mohamed. Mais le fait de rendre service aux gens, d’être là quand leur réseau est bouché, de voir à quel point on est utile, ça, ça a du sens. On fait le job. »
Faire le job
Lorsqu’on est égoutier, faire le job c’est descendre dans des eaux sales parfois hautes et vives, munis de waders (sorte de salopette imperméable, ndlr) jusqu’à la poitrine, d’un balai ou d’un croc. Et travailler, lumière vissée sur le casque, masque auto protecteur à la ceinture et détecteur accroché à une bretelle. L’oreille en vigilance pour entendre le collègue du dessus prévenir en cas de pluie ou d’orage, mais aussi pour détecter tout son suspect qui pourrait avertir d’un danger.
Sept ans pour apprendre le métier, connaître le réseau, développer des compétences spécifiques. « La mémoire du réseau visitable, c’est nous qui l’avons, rappelle Yohan. C’est pour ça qu’on est sollicités : pour notre expérience de terrain, notre capacité à analyser des situations critiques et à travailler dans un environnement complexe.» Ce terrain, impossible de l’imaginer sans être descendu à 10, 20 ou 30 mètres sous terre. Comme en pleine nature, le sol monte, descend, forme des talus, se durcit ou s’amollit sous les pieds. Le réseau suit la topologie du sol et rappelle que le geste écologique, s’il commence en haut, s’achève ici, dans les égouts.
Qui sont ces travailleurs invisibles ? Que voient-ils, que savent-ils de la ville d’en dessous ? Comment vivent-ils cette activité indispensable à la santé publique ? Quels sons perçoit-on en circulant sous les rues du centre-ville ou à proximité de la Chézine ?
Avec les voix de : Philippe, Yohan, Bruno, Franck, Mohamed, Kévin et Benjamin et d’Agnès JeanJean, professeure d’ethnologie, directrice du département Ethnologie-Anthropologie de l’Université Côte d’Azur
Bibliographie : Agnès JeanJean : Basses Oeuvres, une ethnologie du travail dans les égouts, CTHS éditions
Musique : Blue Glitch de Tony Hayère. Editeur : SuperPitch Drama
Merci à Olivier Morilleau, coordonnateur des réseaux visitables de Nantes
Interview, prise de son, montage, mixage : Cécile Préfol
Le podcast de Nantes Métropole réalisé par Impulseur. Chaque semaine, ce podcast va à la rencontre de femmes et d’hommes qui agissent, inventent, racontent la métropole d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Acteurs associatifs, économiques, citoyennes et citoyens, ils sont la richesse du territoire.
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