Le quartier de la place de Bretagne – autrefois faubourg du Marchix, considéré avant la Seconde Guerre mondiale comme insalubre et dangereux – a été très endommagé lors des bombardements alliés sur Nantes, notamment ceux de septembre 1943. Le projet d’une tour est intégré au plan de réaménagement de la place au cours des années 1960, après que Nantes a été classée parmi les « métropoles d’équilibre » du pays. L’anecdote veut que André Routier-Preuvost, adjoint à l’urbanisme de la municipalité Morice, ait eu l’idée de la tour lors d’une réunion et qu’il l’ait matérialisée en dressant son stylo sur la table. « Un crayon pour projet ! L’histoire est savoureuse, mais tout ne s’est pas joué en une réunion », raconte Irène Gillardot, de Nantes Patrimonia.
Un stylo pour une tour
La Tour Bretagne doit représenter la puissance économique de la ville et être une de ses nouvelles vitrines, imaginent alors les édiles locaux. Le projet est confié en 1964 à l’architecte Claude Devorsine, héritier d’une dynastie d’architectes locaux, associé à l’ingénieur Marcel André. Ils s’attaquent à un défi à la fois technique, urbanistique et architectural : créer une tour en centre-ville est hors norme. En 1969, un groupe de promoteurs nantais se constitue pour gérer la partie immobilière du projet.
Les travaux commencent en septembre 1971, après de nombreux retards. Alors qu’initialement la mise à disposition est prévue pour l’été 1974, les modifications de plans imprévues, entre autres, retardent la livraison. La Tour Bretagne n’est achevée qu’en 1976. Quelques chiffres permettent de mieux mesurer l’ampleur de cette construction : 5 ans de travaux ; 80 000 tonnes de béton et d’acier ; 144 mètres de haut pour 41 niveaux, dont 32 de bureaux et espaces occupés et 6 de parking. Superficie totale : 16 000 m².
Un semi-échec économique
Mais dix ans après le lancement du projet, les mentalités ont changé et le bâtiment achevé est perçu plutôt négativement. Il représente pour certains le symbole d’un urbanisme inadapté à la forme de la ville, et une aberration dénaturant le patrimoine ancien. « Erreur », « symbole de l’arrogance de l’argent » : journaux et livres regorgent de jugements négatifs sur la Tour Bretagne.
Fâcheuse coïncidence, l’inauguration a lieu l’année de la sortie du film catastrophe La Tour infernale, au succès retentissant... Le projet va causer des difficultés à nombre de ses promoteurs. Aucun commerce ne s’installe dans la base de la tour, comme il était initialement prévu. Pour remplir ses 16 000 m2, la mairie et des administrations publiques décident d’y installer des services.
Fermée depuis 2020 après notamment la découverte de poussières d’amiante, la Tour Bretagne va se transformer. 48 ans après son inauguration, le 18 novembre 1976, elle prépare son grand retour avec une réhabilitation complète et un nouveau look, imaginés par le groupe immobilier Giboire, propriétaire principal de l’édifice, et les architectes des agences PCA-Stream et Magnum.
Nos sources :
Nantes Patrimonia : article « Tour Bretagne », sous la direction d’Irène Gillardot.
Dictionnaire de Nantes (Presses universitaires de Rennes).
La possibilité d’une tour
L’idée de la tour remonterait à 1964 : à cette date, le dernier îlot à construire autour de la place Bretagne, l’îlot B, est toujours en attente. « Il s’agit de parachever le projet de la nouvelle cité administrative de Nantes qui a déjà vu la construction de la Poste, de la Sécurité sociale et du Trésor public », souligne Irène Gillardot, de Nantes Patrimonia. Au début des années 1960, les besoins en bureaux en centre-ville se font sentir. On pense d’abord à une architecture de moindre hauteur, mais l’étroitesse de la parcelle convainc la Ville de proposer une tour.
Boîtes de nuit et Nid perché
Longtemps fermée au public pour des raisons de sécurité, la terrasse de la Tour Bretagne rouvre en 2012 avec l’implantation d’un bar panoramique et d’un belvédère. Perché au 32e et dernier étage, conçu dans le cadre du Voyage à Nantes, Le Nid est l’œuvre du plasticien nantais Jean Jullien. Le lieu devient rapidement un des atouts touristiques de la ville, l’un des cœurs battants des nuits nantaises, et réconcilie enfin les habitants avec « le seul gratte-ciel entre la Défense et Manhattan » – selon la formule des promoteurs de la Tour Bretagne. On y vient en famille, avec les amis pour profiter de la vue panoramique sur Nantes ou admirer les couchers de soleil et les lumières de la ville. Ce « rooftop », fermé en 2020, rouvrira à nouveau au public grâce au projet de transformation de la tour. Un clin d’œil à son passé. Outre Le Nid, la tour Bretagne a accueilli plusieurs discothèques. Au 29e étage, il y eut L’ère du Temps, inaugurée par Hervé Vilard. Et au sous-sol, on pouvait se retrouver au Tangara. Les deux établissements ont fermé dans les années 1980
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