Pour aller plus loin
Pour en savoir plus sur les solutions imaginées par les acteurs du territoire face à la nécessité de consommer l'eau de façon plus raisonnée, lisez le dossier de Nantes Métropole le mag du mois d'avril :
Saviez-vous que l’eau qui coule de votre robinet vient de la Loire ? Pompée à Mauves-sur-Loire, l’eau du grand fleuve est traitée à l’usine de la Roche, principale unité de traitement du territoire*, située dans le quartier de Malakoff, à Nantes. Une usine qui a fait l’objet d’importants travaux de modernisation, qui s’achèveront en fin d’année, pour près de 83M€. « Cette nouvelle usine va nous permettre d’assurer une qualité au-delà des normes », explique Hélène Daniel, directrice des opérateurs publics de l’eau et de l’assainissement de Nantes Métropole. Mais justement, comment traite-t-on l’eau de la Loire pour la rendre potable ?
« L’eau est débarrassée des gros objets flottants avant d’aller dans des bassins de décantation. Les matières les plus lourdes tombent alors au fond. C’est le principe de l’Orangina, quand on arrête de secouer, la pulpe reste au fond. On récupère ainsi les matières en suspension (sables, limons transportés par la Loire). L’eau est filtrée, désinfectée et chlorée avant d’être mise en distribution. » Sur un an, l’usine de l’eau fournit 40,6 millions de m³, près de 45 % de l’eau potable produite en Loire-Atlantique en moyenne annuelle. Ce sont ensuite près de 3200 km de canalisations qui conduisent le précieux liquide jusqu’à nos robinets
Mais cette année, la production d’eau potable a failli être perturbée. Le coupable ? Le bouchon vaseux. Naturellement, La Loire charrie des sédiments, qui se concentrent dans l’estuaire, à la confluence entre les eaux du fleuve et la mer. Cette zone chargée en matière en suspension constitue le bouchon vaseux. Il évolue au rythme de la force des marées et des débits du fleuve. Si le débit du fleuve est faible, conjugué à des fortes marées, ce bouchon remonte donc la Loire. « Il est tellement chargé en matières en suspension qu’au moment où il se situe devant notre prise d’eau, la capacité de traitement doit être est réduite, voire stoppée », indique Hélène Daniel.
Une situation qui a été évité de peu lors des grandes marées d’août et de septembre dernier, alors que la prise d’eau de secours, installée sur l’Erdre, n’était pas utilisable du fait de la présence de cyanobactéries, qui se sont développées avec les très fortes chaleurs. Or, la Loire n’a pas retrouvé ses débits habituels cet hiver. Et le risque est que le changement climatique rendent ces périodes de tension plus fréquentes, en faisant remonter plus en amont encore le bouchon vaseux.
Pourquoi alors ne pas simplement créer une nouvelle prise d’eau, plus en amont ? « Prudence, répond Philippe Gilles, directeur du cycle de l’eau à Nantes Métropole. Il faut bien comprendre le phénomène et son évolution. Si on pompe plus haut, combien de temps va-t-on gagner ? On parle d’infrastructures très coûteuses, de plusieurs millions d’euros, et à ce stade on n’est pas sûr que cela soit un investissement judicieux. Il faut déjà creuser toutes les pistes pour gérer les jours de tension, adapter le process. En 2022, nous n’avons finalement eu des inquiétudes que sur six jours… Par contre, il est évident qu’il est essentiel de consommer l’eau avec raison lors des ces périodes de tension. »
La réponse technique demandera donc du temps, et ne se situera pas forcément à la seule échelle du territoire métropolitain. « Il faut peut-être repenser l’architecture générale, trouver des ressources supplémentaires, poursuit Philippe Gilles. Mais il faut surtout travailler de concert avec autres producteurs et consommateurs d’eau. Est-ce que pendant ces courtes périodes de tension, nos voisins peuvent se passer de notre eau et nous alimenter ? La question est de mettre en commun les ressources pour les utiliser intelligemment. Ce n’est pas toujours facile. »
A court terme, au plan individuel et collectif, c’est notre rapport à l’eau qui doit s’infléchir. Les habitantes et habitants de la Métropole sont plutôt vertueux dans leurs consommations (120 litres par jour et par habitant, contre 150 au niveau national), mais la population continue de croître, et avec elle les besoins en eau du territoire. L’heure est donc à la sobriété. « On est contraint de vivre avec ce qu’il se passe, résume Philippe Gilles. Et si je suis plus vertueux, je dépense moins, et je consomme moins de ressources compliquées à produire. »
* Une autre usine, de dimension plus modeste, exploite la nappe alluviale de la Loire, à Basse-Goulaine.
« En 2019 et 2011, nous avons connu une situation d’étiage (le plus bas niveau des eaux, ndlr) aussi sévère. Par contre, elle a été précoce, et longue. Or le bouchon vaseux est un phénomène très lié au débit du fleuve. S’il continue à évoluer en lien avec le changement climatique, on peut imaginer que le fleuve va changer. Des études prospectives ont déjà essayé de tracer la trajectoire de la remontée du bouchon vaseux ou du front de salinité. Dans les pires hypothèses, à l’horizon 2040, on serait sur une remontée de 5 km, mais ces hypothèses sont à approfondir. Quant aux précipitations, les modèles convergent vers deux saisons, une sèche et une humide. La saison humide serait un peu plus humide et la saison sèche plus sèche et qui s’étalerait dans le temps. L’année 2022 a été assez représentative de ce scénario pour la saison sèche, mais pas pour la saison humide. »
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